Pas de lumière pour Pâques: les catholiques de Gaza ont célébré ce weekend pascal tant bien que mal, dans leur église de la Sainte-Famille plongée dans l'obscurité, dans le territoire palestinien ravagé par la guerre.
Une centaine de fidèles, beaucoup d'enfants, des religieuses ont prié à la lumière des bougies, ou de leur téléphone, faute d'électricité pour la veillée samedi, avant de se retrouver le lendemain pour célébrer la résurrection du Christ comme le veut la tradition évangélique.
Une grande croix ornée de fleurs roses avait été dressée sur le parvis de cette église de la ville de Gaza.
Prières pour la fin de la guerre
Mais "cette année l'odeur de la destruction et de la poudre à canon a remplacé celle de la fête, du printemps et des fleurs", a dit à l'AFP Moussa Ayad en sortant.
"Nous prions pour que cette guerre se termine bientôt," disait un autre fidèle, George, qui n'a pas donné son nom. "Nous espérons que nos frères chrétiens du monde entier interviendront auprès de leur pays pour faire pression et mettre fin à la guerre frénétique contre nous, pour permettre à notre peuple de vivre en paix, car les gens méritent de vivre dans la dignité."
Ce quartier des Oliviers n'a pas été épargné par la guerre, déclenchée le 7 octobre par une attaque du Hamas sur le sol israélien qui a fait 1.160 morts, majoritairement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles.
L'église est à moins d'un km du grand hôpital al-Chifa où l'armée israélienne conduit depuis deux semaines des opérations à la recherche de combattants du mouvement islamiste palestinien.
En décembre, deux femmes, une mère et sa fille, avaient été tuées par des tirs dans l'enceinte même de la Sainte-Famille, qui abrite notamment une école et un couvent.
Le pape François avait déploré le lendemain que des "civils sans défense soient la cible (...) de tirs de snipers". L'armée israélienne avait nié de son côté toute implication.
Dimanche, lors de sa bénédiction "Urbi et Orbi" depuis le Vatican, le pape a renouvelé son appel à la libération des otages israéliens et à un cessez-le-feu immédiat.
Les représailles israéliennes à l'attaque du 7 octobre ont fait près de 33.000 morts dans la bande de Gaza, essentiellement des civils, d'après le ministère de la Santé du Hamas.
Le territoire palestinien, dont la majorité des 2,4 millions d'habitants est musulmane, compte environ un millier de chrétiens, la plupart orthodoxes.
"Nous n'avons pas l'impression de faire la fête aujourd'hui", a dit dimanche une autre fidèle de la Sainte-Famille, racontant, en anglais, sa "maison détruite, celle de (son) fils aussi".
"Nous sommes comme les premiers chrétiens, ils étaient peu nombreux"
A moins de 80 km au nord, à Jérusalem, l'atmosphère était pesante aussi autour du Saint-Sépulcre, bien moins fréquenté qu'à l'habitude.
Le patriarche latin de Jérusalem, Pierbattista Pizzaballa, a conduit la cérémonie dans l'église bâtie, selon la tradition chrétienne, sur le lieu où Jésus a été crucifié et enterré. Des fidèles embrassent le marbre, d'autres se prosternent.
"Regardez comme cette année c'est vide, même à l'intérieur", a fait remarquer à l'AFP Soeur Angelica, venue de Pérouse, dans le centre de l'Italie. "Nous sommes si peu nombreux. Cela me brise le coeur. Mais nous sommes comme les premiers chrétiens, ils étaient peu nombreux eux aussi".
Pour elle, les pèlerins restent à distance à cause de "la souffrance et la mort" à Gaza.
Kasia et Ewa, mère et fille venues de Pologne, en sont à leur dixième voyage. Elles n'ont jamais vu les lieux aussi calmes.
"Ce n'est pas étonnant vu la guerre", dit Kasia, 33 ans, qui préfère ne pas donner son nom: "C'est terrible. Ils tuent des enfants".
Un pasteur pentecôtiste des environs de Lagos n'a pas eu peur de venir, et va rester un mois. Mais en 30 ans de visites, il dit n'avoir "jamais vu la Ville sainte aussi vide. Il y avait plus de prêtres que de fidèles ce Jeudi saint. Les gens ont peur".
Pour George Habib, un commerçant de la vieille ville, cette saison de Pâques --habituellement la plus fructueuse-- est "un désastre. Pire que le Covid... On a l'impression que cette guerre ne va jamais se terminer".
La Rédaction (avec AFP)